Cette courte description, dans le dernier livre de Pierre Ducrozet’s, “Le Grand Vertige“:
… qui m’a rappelée cette autre mention d’un tel sujet, par Guillaume Poix (dans son “Les fils conducteurs“) situé dans la décharge d’Agbogbloshie, à Accra (Ghana) :
“T’as tout le cimetière numérique, t’as tout l’obsolète qui se trouve un coin pour s’aplatir sous les coups de poings des mêmes qui le fouillent. On te dit “C’est digital, c’est dématérialisé”, on te dit “C’est sans fil, c’est encore plus plat”, on te dit “C’est l’encombre en moins et la vitesse de la lumière dans ta face”, on te dit “C’est la fibre, c’est la poussière en propre, et qui prend pas de place”, on te dit des trucs pareils là où tu es toi; mais ce qu’on t’explique pas, c’est que chez nous, ça devient la bosse, ça devient Babel, le truc: ça grimpe jusqu’au ciel, les merdes cabossées dézinguées bousillées, elles construisent une seconde planète qui t’encrasse les tuyaux, merdes qui stagnent dans toi, qui te collent des migraines et des vomissures. Disons, pour conclusionner le topo, que ce qui se perçoit pas là-bas est pas tout à fait invisible ici.” (p. 143-144)
Why blogging this? Si je ne saurai juger de l’exactitude du portrait du lieu fait par l’auteur, il me semble que celles-ci concordent avec l’enquête de terrain de Jenna Burrell qui a abordé le sujet en partie, à ce travail de Yasmine Abbas et DK Osseo-Asare, ou encore les photos que publient le Makerspace local. Mais la question est de taille car Agbogbloshie est très souvent caricaturé par les journalistes et photographes qui viennent rapidement sur les lieux et en tirent une perspective souvent misérabiliste.
Dans le roman de Poix, publié par les éditions Verticales, j’ai été particulièrement intéressé par les descriptions des gestes accomplis par les fouilleurs de la décharge. Pour quelles raisons ? Tout simplement car elles forment un rappel, une sorte de miroir de nos gestes d’utilisations de tous nos appareils électroniques. Ce sont des mouvements du corps qui poursuivent nos usages et que l’on a bien souvent pas en tête (ce qui rejoint en partie le propos de Burrell qui parle de “invisible users”).